Les yeux de







avec quelque soin que tu les fardes
mon amour, ils auront toujours cet air vainqueur,
tes yeux ont comme une ensorcelante liqueur,
ils rendent amoureux quiconque les regarde.


c'est de tes yeux que s'abreuvent tous mes désirs,
c'est en eux que se mire mon immense peine,
et même la plus savantes des sabbathiennes
ne saura confectionner pareil élixir

donne-m'en à boire je suis l'éternel extasié,
qui s'en étanche sans jamais être rassasié,
car j'ai depuis tant des tes doctes yeux grand-soif,

il faudrait pour qu'un jour je m’en désaltère 
compter mille orgies à cent-mille carafes
où sur mes yeux faire rabattre mes paupières.

Tu me dis que...







Tu me dis que nos vies, deux ruisseaux indifférents,
Ont sur le lit des ans côte à côte roulé
Sans que jamais leurs eaux ne se soient mêlées
Jamais yeux n’ont mêlé leurs larmes en pleurant


Rappelle-toi, ma folle amante, ma révérée
Si sur tes joues les tiens ont mêlé les leurs
Vois-tu, même déchirure, même douleur,
Les ont tant de fois faits séparément pleurer.


Lèvres ennemies d’une plaie sans cesse rouverte 
Que le temps n’en finit pas de faire saigner,
Toujours, toujours du même malheur imprégné,
Nous allons par des chemins que l’autre déserte.





Octobre 2007

A celle qui rêve éveillée






Vous êtes venue
comme chaque matin
sur l'oreiller de votre main
continuer votre songe

et creuser comme dans de la paille
un lit à votre joue
un homme à votre rêve
un rêve à votre homme

qui s'étend docilement
sous les yeux de votre sommeil.

Jérusalem l'Antique (sur une chanson de Fairouz)


J’ai traversé les rues
Les rues de Jérusalem l’Antique

Et par-devant les boutiques
Scorie de  Palestine 

Nous avons échangé des nouvelles 
Puis ils m’ont offert un vase
Un présent m’ont-ils dit
De la part des gens qui espèrent

Et j’ai marché dans les rues
Les rues de Jérusalem l’Antique

Et me suis arrêtée devant foule de portes
Dont je suis devenue l’amie
Et leurs yeux tristes à travers les croisées de la ville
M’ont longuement entretenue
Sur l’absurdité de la souffrance

Il y’avait une terre  il y’avait des mains
Qui ouvraient qui ouvraient  
Sous le soleil et sous le vent 
Il en est sorti des maisons  
Avec des fenêtres fleuries 
Et plein d’enfants dedans  
Avec un livre dans la main 

Mais voici venue la nuit
-Haine et peur s’y distillent- 
Où des mains noires arrachant les portes
Les gens désertent leurs demeures

Des épines des flammes et les mains noires
Leur défendent d’y retourner à présent

Je crie dans les rues 
Les rues de Jérusalem l’antique

Que mon chant devienne tempête
Que mon chant devienne tonnerre
Ô voix que rien ne te fasse taire 
Sois tourmente à ceux qui dorment
Et crie-leur sans cesse ce qui s’est passé,  

Ils en seront peut-être arrachés à leur sommeil. 

La guerre



Comme des charançons 
Ils sont tous venus faire
D’une stupide guerre
La macabre moisson


Pour toute faucille  
Ils ont des fusils
La folie pour toute raison


Commence la bataille
O Funèbres semailles 
Bonnes en toute saison


Et les voilà qui gisent
Pauvres corps amochés 
Après s’être fauchés
Sur la plaine grise.

Le poète dans son miroir









Si j’étais poète
J’aurais crée un monde
A la mesure de ma nuit

Mais je ne suis pas poète
Alors je taille une nuit
A la mesure de mon monde.

Les chiffres





Et comment pourrai-je les parfaire ? 
La perfection est vôtre. 

Dieux insoupçonnés, 
Zéro, un, deux, trois, quatre….
O Rosaire égrené
Qui sans cesse renaît 
Sous mes doigts opiniâtres 

C’est en votre nom, chiffres, que j’écris ces vers
Dans la nuit qu’une mathématique bleue revêt
Vous qui présidez à votre science achevée,
Par les silences immuables des multivers. 

A l’heure où, (tare) dans leur folie binaire,
Les hommes ne savent plus compter jusqu’à deux
Je vais jurant par les spins et les mc² 
Que je suis toujours celui-là qui vous vénère. 

Rosaire insaisissable, fuyant chapelet, 
Cataracte d’années-lumière constellées, 
Où mon âme, pleines d’agréments odieux, 

S’écoule et s’égare, vertigineux dédale,
Dans le tourbillon informe des Décimales
Et croit reconnaître la marque d’un Dieu.

Les étrennes des amoureux



Je t’aime. Voilà pour notre première année
Ce que pour tout présent j’ai à te donner.



Qu’ai-je à t’offrir qui d’être offert vaille la peine
Il n’est rien à moi qui déjà ne t’appartienne ?



Ma vie, mon chant, ma joie, ma douleur sont tiens
Je suis à toi seule, ô mon amour, je t’appartiens.

Chanson au naphtalène






Pour les écueils-témoins que battent les ressacs
Pour le satin bleu dont se lange ton âge
Pour notre rêve surpris la main dans le sac
Pour la folie binaire qui t’invite au voyage

Pour l’enfant que tu portes dans le pli des jours
Pour le ciel que j’entrevois dans ta chair fendue
Pour les nuits qui la nuit se prennent pour le jour
Et les étoiles qui de leur ciel sont descendues 

Pour la fleur que tu gardes comme un secret
Pour le bleu informe qui nous lie et nous délie
Pour le rouge intime qui éclabousse les près
Pour le coquelicot dont s'est paré notre lit

Pour l’écheveau kilométrique qu’on dévide
Pour Dieu qui nous regarde et nous sourit
Pour le temps de t’aimer qui me dessine des rides
Et la grimace de quand la mort m’aura surpris

Pour tout cela

Parmi les ombres j’irai me cacher

Lorsque le soleil m’aura craché

Toute sa lumière 

à la gueule.




La terre égrène son rosaire d'année...





La terre égrène son rosaire d’année
Il n’en compte pas plus que ton âge

Automne hiver printemps été
Tes yeux habillent un ciel changeant 

Sur les blés et sur les rues
Il pleut une lumière confidente

Et les choses chantent à tue-tête
Ce que tes regards leur promettent 

Reflet de tes yeux écho de ta voix
Il se murmure partout que tu es là.

L'étranger


Je vis. Mais ne demandez pas pourquoi
Parce que franchement… je ne l’ai jamais su
Mais je rêve…d’un truc ...un je ne sais quoi
Que je caresse sans que j’aie une main dessus

Je marche seul vers (sans savoir vraiment où je vais)
Quelque chose qui m’échappe et que je saisis
Et très souvent pour ne pas mourir tout à fait
Le soir sans prétention je fais des poésies

Mon nom, à supposer que ça vous intéresse,
Se perd dans la multitude des X et des S,
A chaque instant mon âge s’allonge d’un instant,

Je suis Homme, voilà ce dont je peux être sûr,
De l’existence je suis le chemin absurde
Qui va insensément du néant au néant.

A maman





Voici des mots, oui, des mots, toujours les mêmes,
Qui reviennent comme un refrain dit et redit
N’a que seul nom, c’est Feu, le feu de l’incendie,
Et je ne le sais dire autrement que je t’aime

Voici des mots, toujours des mots, et n’en déplaise
A ceux qui pensent que je l’ai trop répété
Comme bois qui n’en finit pas de crépiter
Et brûler brûler jusqu’à en devenir braise.

Que de fois, les as-tu donc trouvés sur la table
Ces mots, dans ta poche, ou alors dans ton cartable
Et après les avoir lu, tendrement souri,

Je suis toujours l’enfant qui ne peut te les dire,
Relis-les encore une fois avec ton sourire:
Je t’aime, maman.Ton fils chéri.

Yamina (Sur une chanson de Khaled)



Béni soit ce jour heureux où je vous ai croisé
Yamina ô reine par qui ma vie s’est embrasée


Donnez donnez-moi de vos nouvelles de grâce
La maladie dont vous souffririez me terrasse


Je n’ai pour accomplir le culte que je vous voue
De fenêtre ou de croisée qui donne sur vous


Votre mal dont je m’enquérais auprès des gens
M’a peu à peu envahi  le cœur et allait le rongeant


Yamina, Yamina
Votre beauté n'a
d'égal, ô Yamina.












Yamina:

J'ai brûlé deux mois durant  d’une étrange fièvre
Plaintes et gémissements n’ont pas quitté mes lèvres

Je fondais à ce mal comme neige au soleil
Défendu m’était même le stupide sommeil


Mais j’en suis guérie à présent Dieu merci
Et après l’orage de nouveau c’est l’éclaircie   


Ciel en soit loué Yamina. Et qu’est-il de nous ?
Je veux vous marier en me mettant à genoux.  


Yamina, Yamina
Votre beauté n'a
d'égal, ô Yamina.











Yamina :  

Relevez-vous de grâce et tempérez vos ardeurs
N’espérez pas être encor l’élu de mon cœur

Le mal obscur qui m’a détruit pour dire vrai
Est votre amour et mon corps s’en est délivré


C’était le jour heureux où je vous ai croisé
O très chère par qui ma vie s’est embrasée


Yamina Yamina qui m’a le cœur ôté
Et qui indifférente et fière l’a éclaté


Yamina, Yamina
Votre beauté n'a
d'égal, ô Yamina.

Les poètes




Regardez-les ces ratés, ne dirait-on point
Quand ils ouvrent les bras quand ils crispent les poings
Que ce sont des crucifiés qui se plaisent à
Chercher sinistrement je ne sais quel Golgotha 

Ces petits jésus, victimes d’un sort inique,
N’ont pas croisé les Simon ni les Véronique,
Ni bras à porter leur fardeau les ont aidés
Ni main leur a essuyé leurs fronts fort ridés 

Seuls, ils s’en vont, rêveurs, inventer des Dieux
Salvateurs -Les ôter à leur destin odieux
Ne serait pourtant que leur rendre justice-

Mais 

Tout ce dont ils rêvent et tout ce dont ils croient
Leur courbe le dos sur le chemin de croix
Et n’est que le triste instrument de leur supplice



Vaine tentative pour poétiser l'univers


L’univers tient dans mes yeux. Le verbe pend à ma main.

Et du bordel cosmique, je veux faire une prosodie,

Moi, l’exilé galactique rompu aux vertiges humains

Proie des charmes saturniens et dernier poète maudit. 

L’univers tient dans mes yeux. Le verbe pend à ma main. Et du bordel cosmique, je veux faire une prosodie. Que le désespoir en maître y règne. L’ordre universel exige qu’on désespère qu’on se résigne, qu’on se soumette et qu’on se taise, alors… j’invente et j’invite le Silence imperturbable et le Noir immaculé à copuler dans le lit sûr de mes feuilles blanches dont les espaces infinis m’effraient. Que naissent pêle-mêle de ce coït originel, le cri chantant, la lumière vertueuse, l’espoir souriant, la misère suave, la douleur sans douleur, le mentir-vrai, le chagrin amovible, le rêve permis, le jour sans fin, la mort de la mort, la rose éternelle

Et l'homme heureux
Et l'homme heureux

T'attendre

T’attendre
Est mon chemin le plus sûr 
Où à mes pas d’enfant 
L’horizon ne se dérobe jamais

T’attendre 
Est ma saison la plus fertile
Où chaque seconde qui passe 
Est serment fait au bonheur

T’attendre
Est une nuit qui s’achève bientôt 
C'est une aube qui promet 
Un lendemain qui ne s’achève pas 

T’attendre 
C’est sans cesse te voir arriver 
C’est vers nous aller l’amble 
Comme va son cours le temps 

T’attendre 
C’est marcher nus pieds 
Sur la braise de l’absence

Et c’est t’aimer plus ardemment.